Note d’intention de mise en scène

Elle amène ainsi le spectateur à se questionner. Connaissons-nous vrai-ment nos proches ? Pourquoi sommes-nous rassurés quand chacun porte une étiquette, rentre dans une case, et s’y tient ? Pouvons-nous vraiment accepter que nos intimes aient un jardin secret, une part d’ombre qui nous échappe ?
Le texte est fascinant car il mêle avec beaucoup de subtilité l’affect et l’intellect, la raison et l’instinct, la dérision et la violence. On rit souvent, d’un rire de plus en plus grinçant, devant ces deux amis qui exhibent leurs failles et leurs faiblesses. L’auteur réussit avec brio à nous divertir tout en nous faisant réfléchir, à nous amuser tout en nous glaçant, à nous plaire tout en nous dérangeant.
J’ai voulu transmettre cette vision aux comédiens, afin qu’ils expriment pleinement aux spectateurs ce paradoxe entre la fine joute verbale que se livrent les personnages et les pulsions animales qui les traversent, dans une course absurde à la reconnaissance entre deux êtres qui s’admirent mais qui vont se déchirer.
La mise en scène traduit ce jeu d’opposition dans un bureau qui se transforme peu à peu en ring, en zone de combat, en deux camps bien distincts que plus rien ne pourra bientôt réunir…
Car c’est bien ce que met en lumière la pièce à mes yeux : la fin d’une amitié. Une simple indisponibilité un soir précis, un petit secret, un grain de sable qui s’engouffre dans la machine bien huilée des relations sociales et c’est toute la mécanique qui s’emballe. Elle détruira tout sur son passage : les êtres, les liens entre eux et leurs liens avec les autres.
Entre soi, entre couple, entre amis, finalement, ce qui nous fait vivre est ce qui peut nous tuer, et inversement.
Julien Kirsche,
metteur en scène